Crimson Moonlight - Veil of Remembrance (2005)

publié par Marcounet le 8 mars 2005

Contribution de Mikardinal. Des haut-parleurs, c’est tout à coup l’hiver qui envahit votre salon. Un
hiver glacial et brutal, ténébreux, tempétueux s’infiltre en vous, secondé
d’un vent mordant qui vous fouette au visage, vous lacère les tympans.
Ces rafales nocturnes ont pourtant quelque chose de paradoxal : malgré la
conviction profonde que le bourreau hivernal ne vous épargnera pas, vous
souhaitez pourtant qu’il reste à vos côtés, la beauté mortelle des forêts
scandinaves vous invitant à danser avec le Roi des Aulnes.


Crimson Moonlinght - Veil of Remembrance C’est ces images qui se formèrent dans les méandres de mon imagination à
l’écoute du dernier-né des Suédois de « Crimson Moonlight ». Une
virtuosité métallique à toute épreuve. Les six musiciens vous glacent
littéralement le sang à coups de riffs tantôt classiques du black metal,
tantôt mélodique. La régularité hypnotique des rythmes de Gustav Elowsen
vous martèle le cerveau tandis que les trois guitares (!) exercent autour
de vous une danse tantôt chaotique, tantôt structurée et charmante, on
pourrait presque changer de décor et s’imaginer une Salomé belle et
mortelle utilisant son charme magnétique pour mieux user de sa perversité.
Une douce brutalité.
Rien à voir avec le calme atmosphérique de « Sanctifica », la mélodie
aggressive d’ « Antestor », ou encore le chaos bestial de « Horde ».
Et c’est dans ce brouillard vénéneux que le salut apparaît, en la personne
d’un guide étrange, de noir vêtu, bravant les intempéries pour vous
accompagner sur le sentier incertain que vous empruntez. Sa voix
échorchante puis alternativement caverneuse vous indique le chemin à
suivre. C’est l’imposant Simon « Pilgrim » Rosén, vous posant tour à tour
des questions sans réponse, récitant des vers empreints de mélancholie
mystique, vous dévoilant d’une manière poétique les secrets de cette forêt
profonde. Pour en ajouter à ce sentiment de film d’horreur, il tient
devant lui une lanterne qui vous permettra de distinguer une continuité
dans cet amas de ténèbres gelées que vous affrontez. La lueur de cette
lanterne ne semble pas souffrir le moins du monde des bourrasques de la
tempête scandinave qui a à son tour englouti votre guide. Pourtant, il s’y
sent bien, et sa lanterne fait preuve d’une puissance indéniable. On sent
la sûreté de ses mains lorsqu’il éclaire vos doutes. Ce pèlerin vous
montre sans orgueil le chemin unique qui vous permettra de sortir de la
nuit dans laquelle vous vous vautrez. Il sait où trouver la lumière, vous
donne la marche à suivre. Sans concession.

Car la poétique mystique de ses propos ne laisse pas l’ombre d’un doute.
Les musiciens doivent provoquer un véritable carnage spirituel dans les
milieux du métal de l’ombre. La qualité virtuose de leur musique en fait
un groupe phare. Leur prestation scénique, brutale (ils s’aspergent de
sang synthétique lors de concerts) leur ouvrirait probablement les portes
des enfers pour aller y prêcher l’évangile. Car on leur donnerait le « 
diable sans confession », Crimson Moonlight sont des brebis déguisées en
loups. Et on s’en rend bien compte à leur sortie de scène. Simon, le
visage ensanglanté, les cheveux et la barbichette dégoulinante
d’hémoglobine artificielle, se dirige vers sa loge avec le sourire. Sa
gentillesse et son humour m’étonnent. L’hiver s’est dissipé avec la brume
de la machine à brouillard de la même manière qu’il était venu : brutalement.


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