Bushnell - Cornerstone 2012 (2 - 7 juillet)

publié par Aifix le 23 octobre 2012

Le Cornerstone était jadis le plus grand festival de musique chrétienne au monde. Je parle au passé car cette année, après plus de 20 ans d’existence, l’évènement ferme ses portes pour difficultés financières. Voici un petit compte-rendu du dernier Cornerstone !


Autant le dire d’emblée, le Cornerstone 2012 n’était pas une édition comme les autres, et à beaucoup de niveaux. L’idée de se rendre dans ce festival prestigieux, pour nous Européens, avait pourtant de quoi nous mettre l’eau à la bouche. Malheureusement, les mauvaises nouvelles se sont succédées jusqu’à la semaine du festival. C’est Venia tout d’abord qui il y a quelques mois a annoncé la fin du groupe et qui avait dû annuler sa venue au Cornerstone.

Ensuite, la nouvelle était tombé : les Jesus People (la communauté de Chicago à l’origine du festival) organiseraient cette année leur dernier Cornerstone. Dans la foulée, tout le planning était revu et seuls les groupes acceptant de venir jouer bénévolement restaient programmés. Exit les For Today, The Chariot et autres War Of Ages. A la place on a plutôt droit à une line up style « les amis du Cornerstone », ce qui est somme tout très sympathique, mais forcément avec une impression de festival "au rabais".

Pour couronner notre malchance, au moment ou nous débarquons au pays de l’oncle Sam, nous réalisons que l’Illinois connait une vague de chaleur extraordinaire. Il pouvait facilement y avoir autour de 40° durant la journée. Apparemment pas mal de personnes (et mêmes certains groupes) ont renoncé à faire le déplacement également pour cette raison. Je les comprend car je peux vous dire que dans ces conditions, il était pas évident de prendre des photos, faire des interviews ou même de se déplacer pour aller aux divers concerts sur le gigantesque site. Et quand vous êtes en train de transpirer tout ce vous pouvez, qu’il n’y a pas un brin de vent, de la poussière partout, et que vous n’avez pas de bandana, il faut vraiment être motivé pour allez faire un tour dans le pit (j’y reviendrai).

Malgré ces conditions extrêmes, nous avons donc tout de même réussi à passer deux soirées au Cornerstone 2012. Nous arrivons donc le jeudi soir (le festival a commencé le lundi !) sans grands espoirs côté line-up. J’ai loupé Stengthen What Remains et The Ember Days. Et pourtant première surprise, à peine descendu du van on croise un type qui porte un panneau disant en gros « No Innocent Victim, ce soir sur la scène Sancrosanct Record ». Nous demandons de suite à l’individu si il s’agit d’une blague et il nous explique que c’est son groupe qui va jouer et reprendre un titre de NIV. On comprend mieux. Motivés malgré tout par cette nouvelle de plutôt bon augure nous engageons de faire d’abord un petit tour du festival.

C’est un petit peu comme chez nous, à la maison, au Freakstock. On retrouve plusieurs tentes qui hébergent les différentes scènes.

Cornerstone2012

On y trouve concerts, ou autres activités, littéralement du matin du soir. Une tente est entièrement dédiée aux stands des groupes et une autre pour les stands des organisations.

Cornerstone2012

Comme au Freakstock, on retrouve toutes sortes de personnes plus ou moins excentriques, du hippie au biker, en passant par le skin ou le fanatique des armes.

Cornerstone2012

Mais la dévotion des Jesus People ne passe pas que par la musique et l’on trouve d’autres sortes de formes artistiques sur le site.

Cornerstone2012

Cornerstone2012

Cornerstone2012

Le lac, à disposition des campeurs, est très recherché vu la chaleur ambiante.

Cornerstone2012

Ce qui nous frappe assez rapidement, c’est la grandeur du lieu. Au début on serait tenté de trouver ridicule les voiturettes de golf que certains utilisent pour se déplacer mais rapidement on en vient à envier leurs propriétaires !

Cornerstone2012

Pas sectaire pour un sou, le festival est aussi un lieu de rencontres pour toutes sortes de chrétiens. Et quand je dis "toutes sortes" c’est vraiment le cas. Ça va du chrétien le plus "progressiste" au chrétien le plus conservateur en train de manifester à l’entrée du festival pour essayer de décourager les gens d’aller plus loin. Apparemment il y aurait un risque de damnation éternelle si on écoute plus longtemps cette musique à la gloire de Satan et de la fornication...

En dehors de ça, et contrairement au Freakstock pour ce coup-ci, on trouve le matin le rituel orthodoxe ainsi que la messe catholique, pour ceux que ça intéresse. Et durant la journée, on a accès à une multitude d’ateliers et séminaires, détaillé dans le programme très complet qu’on trouve non pas à l’entrée mais au stand des Jesus People.

Une fois le tour du propriétaire effectué, nous revenons à ce qui nous intéresse, à savoir la musique. Ça commence pas trop mal avec un set des Scurvies à l’Underground Stage, un groupe "local", en proportions américaines.

Scurvies-Cornerstone2012

Les garçons jouent du punk rock à l’ancienne. C’est pas mal du tout, pour une mise en bouche.

Scurvies-Cornerstone2012

Pas le temps de s’attarder car nous ne voulons pas louper le fameux groupe mystère qui nous à promis de reprendre du NIV. On se dirige donc vers la Sancrosanct Stage. Une fois là-bas on réalise assez vite que c’est ni plus ni moins Strengthen What Remains qui s’apprête à jouer ! On échange quelques mots avec leur chanteur. Il nous explique qu’ils ne devaient pas jouer aujourd’hui mais qu’il manque un groupe sur le line-up, du coup ils ont sauté sur l’opportunité. Fort sympathique, notre homme nous apprend également que son groupe est sur le point d’enregistrer un nouvel album, qui paraitra bientôt chez Blood & Ink.

Le groupe prend ensuite place sur scène et s’en suit une demi-heure de hardcore old school de très bonne facture.

SWR-Cornerstone2012

Rien d’original mais de la passion, beaucoup de convictions, et une musique efficace.

SWR-Cornerstone2012

SWR-Cornerstone2012

Dans le pit, ça mouline sec. L’absence totale de vent fait que la fosse devient rapidement un nuage de poussière dans lequel on voit s’agiter des bras et des pieds. A un moment ça commence à ressembler un peu à une bagarre dans le village Astérix et Obélix. C’est alors le signe qu’il est venu le moment de perdre un litre de sueur.

SWR-Cornerstone2012

Je tire mon chapeau aux kids, ultra motivés, qui représentent comme il se doit le fameux « spirit filled hardcore », sorte de scène dans la scène (chose qu’on n’a pas vraiment en Europe). A part ça, j’ai trouvé l’ambiance très positive. Tout le monde semblait prendre du bon temps et avait le sourire aux lèvres. Le set des SWR est ponctué de deux reprises : une de Strife et une autre, comme promis, de No Innocent Victim : le morceau Set Apart issu du dernier album. Forcément, le titre fait l’unanimité et on utilise nos dernières forces pour s’emparer du micro et chanter avec le groupe. Pour ceux à qui ça fait envie, je ne veux pas donner de faux espoirs, mais leur chanteur m’a confié qu’ils aimeraient faire une tournée sur le vieux continent... Affaire à suivre.

S’en suit une petite séance d’hydratation obligatoire qui nous fait réaliser que ça a aussi du bon que la programmation soit pas plus excitante. Car on a alors aucun regret à passer du temps à un des stands ou on trouve boissons et glaces. La nuit commence à tomber et la température se rafraichit légèrement (même si le short reste de rigueur !).

Je vais ensuite faire un tour à l’Underground ou Icon For Hire joue. Je connaissais pas du tout ce groupe mais il ne m’a fallu que quelques titres pour comprendre dans quelle catégorie ils se situent : punk rock avec chanteuse à mèches colorées dans la veine de Paramore. Et encore, dans la veine, je suis gentil car ça sent un peu la copie ! Mais bon, l’ambiance est bonne, les teenagers en redemandent et les musiciens se donnent à fond. C’est pas mon style mais c’est bien joué et le show est plaisant.

Toujours à l’Underground, c’est The Blamed qui se prépare. Enfin, un groupe formé pour l’occasion avec le chanteur/guitariste d’origine plus d’autres musiciens (dont un membre d’Headnoise). Donc on est entre le concert de reformation et le groupe de reprise. Un concert de vieux puisque The Blamed est un groupe des années 80. Et au niveau de leur musique, ça s’en ressent beaucoup. Le groupe jouera donc son punk très typé années 80 avec ses morceaux plus ou moins connus. Pas beaucoup de réactions dans le public malgré une foule assez nombreuse.

La température monte ensuite d’un cran (et oui c’est possible) alors que tout le monde se prépare pour LE show de la journée : la reformation de Squad Five-0. Le groupe de punk rock met pas mal de temps pour faire ses balances et le public est au taquet pour le dernier concert de la journée à l’Underground. Le groupe commence direct avec son tube « I Don’t Want To Change The World » qui va mettre le feu à la tente. Accompagné par un éclairage impeccable et un jeu de scène furieux, le groupe conquis la foule dès les premiers accords. En effet, au moment ou le premier rythme vient secouer les enceintes le chanteur arrose la foule avec une bouteille d’eau, ce qui marque le début d’un show ultra énergique. Pendant une heure, le groupe va enchainer ses titres issus des différents albums, sans oublier les deux premiers, ce qui est assez fort, surtout quand on sait qu’il n’y a eu que très peu de préparations à ce concert et que le batteur a été trouvé à la dernière minute.
Le seul bémol, à mon sens, serait peut être que le chanteur parle trop entre les chansons. On a vraiment affaire à un numéro de « stand up comedy » comme on dit aux USA. En dehors de répéter constamment que dans la vie de tous les jours il est prof d’espagnol, il nous raconte des anecdotes sur son chien, son voisin... C’est parfois drôle, mais à d’autres moments ça devient un peu ennuyeux.

Après une courte nuit à la belle étoile, on fonce à la louange pour voir... The Ember Days ! Car si on a loupé leur show officiel à l’Underground, on va pouvoir se rattraper en les voyant animer la louange du matin. On trouve rapidement une place sur des chaises au premier rang, ce qui rend la chaleur un peu plus supportable. Sur scène les ventilateurs sont à fond, ce qui semble rafraichir quelque peu nos néo-zélandais. Je suis pas particulièrement fan des groupes de Come&Live ! ou bien des groupes de louange en général mais je dois reconnaître que j’ai toujours trouvé dans The Ember Days quelques chose d’autre. J’aime beaucoup leurs compos à tendance à post-rock. Et le bon point c’est qu’on retrouve sur scène toute leur subtilité et leur simplicité en même temps. Le groupe enchaine ses titres tels que It Is Well ou Run To You alors que les musiciens ont l’air de croire à ce qu’ils chantent, ça fait plaisir à voir. Chose étonnante, tout ce qui se dit au micro entre les chansons, mais aussi pendant, est traduit en langage des signes par une femme située à coté de la chanteuse ! Une initiative intéressante qui fait réfléchir à la question de l’accès à ce genre d’évènements aux personnes handicapées.

TheEmberDays-Cornerstone2012

On profite du temps qu’on a pour faire un tour à la tente des stands des organisations (et s’attarder quelque peu devant les ventilateurs). On appréciera des très bons contacts au stand de To Write Love On Her Arms avec des représentants de l’organisation, ou encore une rencontre intéressante avec Bryan Kemper à son stand, un militant pro-vie assez connu. Dans cette tente on trouve également des représentants d’organisations à caractère plus social ou humanitaire aux missions diverses : prévention auprès des adolescents dans les rues des grandes villes, aide aux sans-abris, soutien aux chrétiens persécutés dans le monde, etc. Le stand le plus surprenant serait sans doute celui de Love Offensively, une organisation dont le but est d’encourager les jeunes à la pureté sexuelle et la chasteté. Les t-shirts qu’ils vendent arborent des slogans très radicaux comme « Virginity Rocks » ou encore « J’aime mon mari, même si je ne l’ai pas encore rencontré ». Y’a pas de doute, on n’est plus en Europe.

Un peu plus tard dans l’après-midi, nous nous rendons à un concert faisant un peu écho au show de The Blamed de la veille, puisqu’il s’agit de Crashdog, autre groupe formé à la fin des années 80. Mais la comparaison s’arrête la. Car si j’avais trouvé la prestation de The Blamed un peu molle, rien à redire sur celle de Crashdog.

Je m’attendais à voir un autre "concert de vieux" mais on a eu droit a un bon vieux set de punk rock engagé et énervé comme il se doit. J’ai beaucoup aimé ce que le chanteur disait entre les titres, sur différentes expériences qu’ils on eu au Cornerstone et ailleurs à travers toutes ces années. Ça fait chaud au cœur de voir quelqu’un qui a encore le feu, même après 20 ans passés dans le milieu de la musique. Rien à redire non plus au niveau de la sélection des titres. On a droit notamment aux immanquables « Mommy’s Little Anarchist » ou encore « Voice Of Defiance ». On ressort donc de la tente pas déçus du voyage ! Pour voir les photos de ce concert c’est par ici.

Le soir venu, l’Underground est pleine à craquer pour un concert événement : le dernier show de Flatfoot 56 au Cornerstone. Il faut savoir que le groupe joue au festival tous les ans depuis un petit moment. Et à chaque fois, un thème est choisi pour en faire un moment spécial. Cette année, le thème retenu est « Fête dans une piscine ». Et pour marquer le coup, le groupe a vu les choses en grand en installant un tobogan sur la scène, avec juste ce qu’il faut de savon dessus pour qu’il soit bien glissant. Ce qui donnera pendant le concert quelques mémorables scènes de stage-diving. Plusieurs personnes déguisées font office de maître-nageurs et jettent des bouées et autres accessoires dans la fosse durant le premier titre du concert. Bref, en quelques minutes la salle est transformée en joyeux bazar. Et il faut dire que tout le monde y met du sien. J’avais vu plusieurs fois les Flatfoot lors de tournées en Europe mais les voir chez eux, devant un public déjà conquis, c’est autre chose. Grosse réponse de la part du public donc, sauf sur les nouveaux titres, ce qui est logique puisqu’au moment du Cornerstone le nouvel album n’est pas encore sorti.

F56-Cornerstone2012

F56-Cornerstone2012

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Le moment le plus impressionnant du concert étant sans doute quand le groupe propose de faire une course, non pas à la nage, mais en mode « crowd surfing » à trois membres du public. Je n’avais jamais vu quelqu’un se faire porter aussi rapidement par une foule. Le set se termine sur l’inévitable « Amazing Grace » que le public reprend en chœur.

F56-Cornerstone2012

Le Cornerstone s’arrêtera là pour nous, on n’a pas eu la force de rester plus longtemps. Je regrette un peu de pas être resté le samedi, pour Norma Jean notamment. Mais quand vous êtes à un festival en plein air, que vous allez prendre une douche ou même l’eau froide est chaude, et que 10 secondes après en être sortis, vous transpirez déjà comme en 40... vous ne prenez pas grand plaisir à aller aux concerts.

On repart aussi un peu déçus de n’avoir eu qu’une ébauche de ce que fut jadis le Cornerstone. Cette année il n’y avait que quelques milliers de personnes alors que parfois le nombre de festivaliers montaient jusqu’à plusieurs dizaines de milliers... Beaucoup d’Américains nous ont raconté des vieilles histoires qui commençaient toutes par « avant il y avait ceci ou cela ». L’impression générale en se baladant sur le site était un peu comme d’arriver à une soirée une fois que la fête est terminée.

Malgré tout, c’était une super expérience ! Quelque chose d’assez différent de ce qu’on a d’habitude en Europe (bien qu’il y avait parfois comme un petit air de Freakstock dans l’air, comme évoqué plus haut). On entend souvent des critiques ici sur la mentalité américaine. Mais pour notre part, au vu des concerts ou on a pu aller là-bas, on a vraiment rien à redire sur l’ambiance. Les gens étaient tous très chaleureux et en général assez intéressés de rencontrer des Européens et d’entendre parler de l’actualité des scènes musicales en Europe.

Le soleil se couche, c’est le moment de dire adieu au Cornerstone...

Cornerstone2012